APERÇU
En 2008, par suite d’une série d’opérations au cours de laquelle un actionnaire [Golini] a obtenu un prêt de 6 millions de dollars et sa société a acquis une police d’assurance vie, celui-ci a déclaré i) 6 millions de dollars de capital libéré additionnel par rapport aux actions de sa société et ii) des intérêts déductibles et des frais de garantie par rapport à son prêt.
Cependant, Golini n’a jamais subi le fardeau du prêt de 6 millions de dollars ni des intérêts capitalisés connexes qui ont selon lui donné lieu au capital libéré additionnel de 6 millions de dollars et à la déduction des intérêts capitalisés.
Dans sa décision du 19 juillet 2016, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que les intérêts sur le prêt de Golini sont déductibles jusqu’à concurrence d’un taux raisonnable, mais que comme le droit de recours relativement à sa dette et aux intérêts capitalisés est limité à la police d’assurance vie et à la rente (sa vie durant en cas de défaut de remboursement et à son décès lorsque ces sommes deviennent exigibles), ces sommes constituent un avantage conféré à un actionnaire imposable dans l’immédiat.1
La Cour a exprimé clairement que les opérations de Golini ne sont pas l’équivalent d’une stratégie de rente assurée financée par emprunt ou d’une structure d’assurance financée par emprunt de type 10/8.2
L’appel de l’affaire Golini a été abandonné le 22 février 2018.
Les opinions exprimées dans le présent bulletin sont strictement celles de Westward Advisors Ltd. Le bulletin n’est publié qu’à titre informatif et ne prodigue aucun conseil juridique ou fiscal.

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La banque extraterritoriale no 1 prête 6 000 000 $ à Opco.
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Opco transfère 6 000 000 $ à Gesco sous forme de rachat d’actions.
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Gesco paie 6 000 000 $ à l’assureur extraterritorial no 1 pour acheter une rente certaine qui paie 6 000 000 $ en 15 versements annuels égaux de 400 000 $.
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Gesco souscrit une police d’assurance vie sur la tête de Golini auprès de l’assureur extraterritorial no 2, selon un barème de paiement garanti des primes de 400 000 $ par an pendant 15 ans, pour un montant d’assurance initial de 6 000 000 $ dont la croissance annuelle est indexée à celle du solde du prêt.
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Les assureurs extraterritoriaux no 1 et 2 transfèrent 6 000 000 $ au réassureur extraterritorial comme prime de réassurance.
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Le réassureur extraterritorial transfère 6 000 000 $ à l’Investco extraterritoriale pour acheter un dépôt à terme qui porte intérêt annuellement à un taux de 8 %.
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L’Investco extraterritoriale prête 6 000 000 $ à Golini par l’intermédiaire de la banque canadienne no 2, à un taux d’intérêt annuel de 8 %, la somme de 80 000 $ étant payable annuellement en espèces et la somme annuelle restante de 400 000, déposée dans un fonds de capitalisation, sous réserve d’un droit de recours limité à la garantie de Gesco, qui est elle-même limitée à la cession en garantie de la rente et de la police d’assurance vie, arrivant à terme échu au décès de Golini.
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Golini accepte de payer à Gesco des frais de garantie annuels de 40 000 $ pendant 15 ans, pour un total de 600 000 $ représentant 10 % de la garantie de 6 000 000 $.
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Golini acquiert pour 6 000 000 $ d’actions privilégiées de catégorie D de Opco offrant un taux de dividende cumulatif de 8,25 %.
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Opco rembourse la banque extraterritoriale no 1 avec 8 % d’intérêts.
Opérations
Voir l’annexe ci-jointe qui illustre la série d’opérations exposée dans la décision.3
Avantage conféré à un actionnaire
La société de portefeuille (« Gesco ») a payé 6 millions de dollars pour une rente dont Golini est le rentier, qui finance une police d’assurance vie de 6 millions de dollars qui sert uniquement à payer le prêt de 6 millions de dollars de Golini plus les intérêts capitalisés.
La Cour a déclaré que l’accès immédiat à 6 000 000 $ en franchise d’impôt, avec pour seule charge des frais de garantie de 40 000 $ pour 15 ans, constitue un avantage découlant de la situation de [Golini] en qualité d’actionnaire qui lui est conféré par Gesco, étant donné l’insuffisance des frais de garantie et la renonciation par Gesco à conserver le montant d’assurance (traduction libre).4
La Cour a observé que les obligations juridiques découlant […] du prêt, de la garantie et des cessions établissent clairement que [Golini] bénéficie d’un avantage : Gesco utilise ses actifs pour payer sa dette. Le simple fait que les documents lui permettent de renoncer irrationnellement à cet avantage ne suffit pas à me convaincre que l’avantage n’existe pas (traduction libre).5
En l’absence de quelque argument concernant la valeur de l’avantage conféré à un actionnaire, la Cour a conclu que la valeur de l’avantage conféré était de 5 400 000 $, soit 6 000 000 $ pour le coût de la rente et de la police d’assurance prises en charge par Gesco, moins les frais de garantie de 600 000 $ que Golini s’est engagé à payer.6
Simulacre
La Couronne a plaidé que la série d’opérations en entier était un simulacre et devrait être mise de côté, ce qui produirait un dividende réputé de 6 millions de dollars sans déductibilité des intérêts.7
La Cour analyse l’argument du simulacre de façon détaillée sur 16 paragraphes.8 En définitive, elle rejette l’argument de la Couronne et conclut qu’elle ne peut que s’en remettre aux modalités contractuelles des opérations.9
Déductibilité des intérêts
La Cour a conclu que les intérêts sur le prêt étaient déductibles pour ce qui est des sommes empruntées pour acquérir des actions participatives, sous réserve d’un taux d’intérêt raisonnable. La Cour a aussi conclu que Golini reçoit un avantage imposable de contrepartie pour la totalité des intérêts capitalisés déductibles qui seront payés par l’assurance vie et la rente de Gesco. Par conséquent, la Cour a conclu que la déduction nette de Golini correspond aux intérêts qu’il paie réellement sur le prêt, soit 80 000 $ par an.10
La Cour a rejeté les arguments de Golini concernant le caractère raisonnable des taux d’intérêt, concluant que le taux de 8 % i) ne correspond pas à un taux négocié avec un tiers sur le marché,11 ii) n’est pas « assez près » du taux raisonnable de 5,5 % proposé par la Couronne12, et iii) n’est pas comparable aux taux d’intérêt sur prêt des rentes assurées financées par emprunt et des régimes de type 10/8 de l’époque.13 La Cour a accepté les arguments de la Couronne voulant que 5,5 % soit un taux raisonnable puisque Golini n’a pas été en mesure de présenter quelque argument contradictoire que ce soit.
DGAE
La Cour n’a pas eu à s’en remettre à la DGAE pour rendre sa décision. Toutefois, elle a conclu que la DGAE s’appliquerait, puisque les opérations constituent un abus du paragraphe 84(1) de la Loi, qui, selon elle, vise à limiter les rendements versés aux actionnaires en franchise d’impôt à l’investissement libéré d’impôt de l’actionnaire dans une société, lorsque l’investissement donne lieu à une croissance équivalente de l’actif de la société ou à une réduction de ses passifs (traduction libre). Les opérations ont accru le capital libéré de Golini de 6 millions de dollars, mais la société n’a affiché aucune augmentation de ses actifs ni réduction de ses passifs par suite des opérations, parce que la rente de 6 millions de dollars et la police d’assurance vie ont été entièrement affectées au remboursement de la dette de Golini.14
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2016 TCC 174
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Paragraphes 82 et 135
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Résumé des étapes exposées aux paragraphes 23 à 76
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Paragraphe 91
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Paragraphe 97
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Paragraphes 103 et 104
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Paragraphes 113 et 124
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Paragraphes 105 et 125
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Paragraphe 105
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Paragraphes 129 et 131
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Paragraphe 133
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Paragraphe 134
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Paragraphe 135
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Paragraphe 139